(SHUTTERSTOCK)Le 5 août 2019, un travailleur occupant l’emploi de conducteur de véhicule lourd tue 4 personnes et en blesse 15 autres lorsque le tracteur semi-remorque qu’il conduit provoque un carambolage monstre sur l’autoroute 440 à Laval. Au terme de son procès, le verdict tombe le 16 février 2024 : le conducteur est reconnu coupable d’un total de 8 chefs d’accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort et de conduite dangereuse ayant causé des lésions. |
Rappel des faits
- Le conducteur a une condition médicale relative à un diabète de type 2, non maîtrisé;
- En 2012, le conducteur a un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, à la suite d’un accident routier. Il reçoit des indemnités financières de la SAAQ;
- En 2014, la SAAQ le déclare inapte à vie à conduire un véhicule lourd et lui retire le droit de conduire ce type de véhicule;
- À cause d’une faille administrative à la SAAQ, en 2018, il retrouve un permis de classe 1 pour la conduite d’un véhicule lourd;
- En mai 2019, il sollicite un emploi comme conducteur de véhicule lourd. Il ment alors à son employeur relativement à sa condition médicale et à son interdiction de conduire un véhicule lourd;
- Le 5 août 2019, le conducteur circule sur l’autoroute 440 à Laval et percute une série de véhicules immobilisés à la hauteur de la bretelle de l’autoroute 15. Il roule alors à 100 km/h et aucune marque de freinage n’est apparente sur la chaussée. S’en suit un incendie majeur;
- En juillet 2020, le conducteur est arrêté par la Sureté du Québec, au terme d’une enquête complexe.
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L’accusation
En octobre 2020, le conducteur du tracteur semi-remorque est accusé d’avoir causé la mort et des lésions corporelles par négligence criminelle. Elle est définie à l’article 219 du Code criminel :
Est coupable de négligence criminelle quiconque : a) soit en faisant quelque chose; montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. |
Cela signifie qu’il faut un « écart marqué et important » par rapport à la conduite qu’adopterait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Ça revient à dire qu’un conducteur professionnel, placé dans les souliers du conducteur fautif, aurait pu prévoir que son comportement posait un risque de mort ou de lésions corporelles.
Sur la base des faits et des preuves présentées lors du procès, la juge déclare le conducteur coupable de négligence criminelle causant la mort et des lésions corporelles.
Que faut-il en retenir?
- Un conducteur de véhicule lourd est tenu d’adopter des comportements sécuritaires afin de ne pas se mettre en danger ni les autres usagers de la route. D’un côté administratif, il doit détenir un permis de conduire valide, en plus de la classe appropriée et des mentions nécessaires au véhicule lourd qu’il conduit. Derrière le volant, il doit respecter les exigences générales du Code de la sécurité routière (ex : signalisation, vitesse, distractions au volant) et les dispositions du Code criminel (ex : conduite dangereuse, délit de fuite, conduite sous l’effet de l’alcool ou d’une drogue) ainsi que toutes les autres obligations liées à l’utilisation d’un véhicule lourd (ex: heures de conduite et de repos, ronde de sécurité, arrimage). Bref, il est tenu d’agir avec prudence, comme un vrai professionnel de la route.
- La SAAQ tient un dossier de comportement pour chaque conducteur de véhicule lourd et l’évalue en fonction de la Politique d’évaluation du comportement des conducteurs de véhicules lourds. Elle y inscrit tous les événements et les infractions commises par un conducteur de véhicule lourd dans l’exercice de son métier, en plus de pondérer les événements et les infractions en fonction de leur gravité. Si un conducteur atteint ou dépasse un seuil de points, son dossier est transféré à la Commission des transports du Québec. Cette dernière pourra lui imposer des mesures correctrices et même lui interdire la conduite de véhicule lourd.
- Un bon nombre d’entreprises membres d’Auto Prévention sont visées par les responsabilités et obligations des propriétaires et exploitants de véhicules lourds (PEVL). Parmi les pratiques de gestion des ressources humaines et de la conformité typiques au monde du transport, l’exploitant devrait faire une demande de vérification de la validité du permis de conduire et du dossier de conduite de ses conducteurs. Mais il ne faut pas se contenter de le faire qu’avec les nouveaux conducteurs; une bonne pratique est de le faire tous les 6 mois pour l’ensemble des conducteurs de l’entreprise. Il est aussi fortement conseillé de demander au conducteur de lui fournir une copie de son suivi de comportement de conducteurs de véhicules lourds. Et l’exploitant ne doit pas oublier, non plus, de valider les compétences de conduite!
- L’exploitant est responsable que le conducteur dont il utilise les services respecte la réglementation applicable au transport, notamment :
- Le Code de la sécurité routière;
- Le Code criminel;
- Le Règlement sur les heures de conduite et de repos des conducteurs de véhicules lourds;
- Le Règlement sur les normes de sécurité des véhicules routiers;
- Le Règlement sur le transport des matières dangereuses;
- Le Règlement sur les normes d’arrimage.
- L’état de santé, un handicap ou une condition médicale peuvent engendrer des situations dangereuses pour le conducteur et pour les autres usagers de la route, par exemple :
- Les troubles de la vue;
- Le port d’un appareil auditif;
- Une apnée du sommeil non traitée;
- La prise de médicaments.
Ces facteurs peuvent influencer les capacités de conduite et affecter le temps de réaction du conducteur. Une autre raison de procéder à la vérification du dossier de conduite et du suivi du comportement de conducteur de véhicule lourd!
Le carambolage de l’autoroute 440 en août 2019 nous permet d’apprendre des erreurs commises. Et en matière de sécurité, on ne peut définitivement pas tourner les coins ronds.
Karine DionneConseillère en prévention |
Samuel LaverdièreConseiller en hygiène industrielle |
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