(SHUTTERSTOCK)La consommation de drogues et d’alcool en milieu de travail est un sujet vaste et complexe à la frontière de la prévention des accidents du travail, du droit à la vie privée et du droit du travail. Sans tomber dans les clichés ni la stigmatisation, il demeure important d’aborder, au moins en partie, ce sujet au cœur des préoccupations des entreprises du secteur des services automobiles. Voici 5 questions pour vous aider à y voir un peu plus clair. |
1. Ça ressemble à quoi dans les milieux de travail?
Selon les données de l’Institute for Work & Health, plus d’un Québécois sur cinq avoue avoir déjà consommé du cannabis deux heures avant ou pendant le travail. Concernant l’alcool, l'absence de données sur les travailleurs se présentant au travail avec les facultés affaiblies complique l'évaluation précise de ce phénomène.
Lorsque le cannabis est fumé ou vaporisé, les effets peuvent se faire sentir en quelques minutes et durent généralement 2 à 4 heures. Dans le cas des huiles, des aliments ou des capsules, les effets peuvent durer jusqu’à 8 heures, voire plus1. Une fois « gelé », les capacités de concentration, de réaction, de coordination et de jugement peuvent être considérablement affectées, augmentant ainsi le risque d'accidents et de blessures.
Quant à eux, les effets de l’alcool commencent à apparaître dès le premier verre. L’alcool diminue les réflexes et la vigilance, augmente le temps de réaction et perturbe la vision. De plus, l'estimation des distances et la coordination des mouvements sont altérées.
Bref, même si la consommation débute dans un contexte de vie privée hors travail, les effets et les conséquences des substances le seront dans le milieu de travail.
Fait intéressantUn travailleur qui consomme régulièrement du cannabis a une plus forte tendance à sous-estimer les risques de se blesser ou de blesser quelqu’un d’autre. (Institute for Work & Health) |
2. Quand est-ce que ça devient un problème?
La consommation d'alcool ou de drogues devient un problème au travail lorsqu'elle affecte directement la capacité du travailleur à accomplir ses tâches en toute sécurité.
Une étude publiée récemment dans la Revue canadienne de santé publique précise que la consommation sur le lieu de travail est associée à un risque presque deux fois plus élevé de subir un accident du travail.
3. Comme employeur, suis-je obligé d’intervenir si un travailleur « sent la robine »?
Oui. En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur. Le travailleur qui « sent la robine » peut avoir les facultés affaiblies et représenter un risque pour lui-même ou ses collègues. C’est particulièrement critique dans un secteur comme celui des services automobiles où les travailleurs doivent, par exemple, opérer des appareils de levage, réparer des véhicules ou conduire des équipements mobiles. L’employeur a le devoir d’intervenir sur le champ dès qu’il a des doutes sur la capacité d’un travailleur à effectuer son travail de façon sécuritaire.
(SHUTTERSTOCK)
Le rôle d’un superviseur ou d’un employeur n’est pas d’évaluer si le travailleur a un problème de dépendance ou si ses facultés affaiblies sont dues à autre chose comme la fatigue accumulée, l’épuisement, une crise familiale, etc. C’est plutôt le rôle d’un professionnel de la santé de le faire.
4. Qu’est-ce qu’on doit mettre en place dans nos entreprises?
L’employeur doit impérativement mettre en place des mesures de prévention pour tenter d’éliminer l’exécution d’un travail avec les facultés affaiblies. Parmi ces mesures, on retrouve :
- Une politique de tolérance zéro qui interdit aux travailleurs de consommer ou d’avoir les facultés affaiblies par l’alcool ou les drogues au travail. Elle doit établir la procédure en cas de retrait du travailleur, le non-respect de cette politique, les accommodements raisonnables, les tests de dépistages, etc.
- La formation des travailleurs et les gestionnaires sur leurs rôles et responsabilités.
- Des ressources disponibles (programme de réhabilitation, programme d’aide aux employés).
- Des politiques qui soutiennent l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle pour réduire le stress et les comportements de consommation.
5. Est-ce que ça pourrait me mettre dans le trouble si je ne fais rien?
Oui. Au Canada, un employeur est obligé d’intervenir. S’il ferme les yeux, il pourrait être tenu responsable par négligence criminelle (art. 217.1 et 219 du Code criminel). Pour éviter une telle accusation, l’employeur doit être en mesure de démontrer qu’il a mis toutes les mesures en place pour éviter un accident de travail (ex : politique, formation, information, suivi, etc.). En d’autres termes, le gestionnaire, ou autre personne en autorité, doit démontrer qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Ça s’applique même dans le cadre du télétravail ou lors d’une activité sociale qu’il organise.
Auto Prévention ne vise pas à infantiliser les travailleurs qui adorent la IPA, les mojitos ou le pot. L’important, c’est d’avoir toutes ses facultés pour accomplir son travail sans se blesser et sans mettre les autres à risque.
RÉFÉRENCES :
Facultés affaiblies en milieu de travail - CNESST
Transport et livraison
Guide La gestion du risque alcool et drogue – Via Prévention
Karine DionneConseillère en prévention |
Samuel LaverdièreConseiller en hygiène industrielle |